Les 24 heures du Mans 1970

Ferrari 512S Fly, Ligier JS1 PSK, Porsche 917 Fly, Alfa-Roméo T33/3 Racer

Ferrari 512S Fly, Ligier JS1 PSK, Porsche 917 Fly, Alfa-Roméo T33/3 Racer

13 et 14 juin 1970 - La 38ème édition des 24 heures du Mans
Le grand duel Porsche-Ferrari

Un nouveau départ

Suite à l'accident mortel de John Woolfe au premier tour de l'édition 1969, la traditionnelle procédure de départ du Mans est remplacée par un nouveau type. Les véhicules sont placés en épi, moteur arrêté et les pilotes installés et sanglés sur leur bacquet (cette procédure ne sera d'ailleurs plus jamais utilisée). En l'absence de Ford vainqueur des quatre dernières éditions, le duel Porsche-Ferrari s'annonce somptueux.

Porsche, Ferrari et Steve McQueen en vedette

Pas moins de sept Porsche 917 et onze Ferrari 512S vont s'affronter devant une foule très dense venue également pour tenter d'apercevoir l'acteur américain Steve McQueen. 1970 est en effet l'année ou de nombreuses scènes du légendaire film "Le Mans" seront tournées. Le départ des 51 voitures est donné par Ferry Porsche, il en restera 7 classées à l'arrivée 24 heures plus tard. Les conditions atmosphériques dantesques de cette 38ème édition ont éliminé 35 voitures, 16 seront à l'arrivée mais 9 ne seront pas classées pour distance parcourue insuffisante.

Le championnat constructeurs pour Porsche

Porsche avait d'ores et déjà remporté le titre mondial et si Ferrari voulait se rattraper, il devait impérativement remporter les 24 Heures du Mans où une victoire est aussi importante que le Championnat du Monde.

Le duel Ferrari contre Porsche

Cet exploit semblait possible car Ferrari possédait l'expérience de neuf victoires, alors que Porsche ne s'était encore jamais imposé au classement général. Lors des essais d'avril, la pluie avait faussé les résultats, de sorte qu'il n'avait pas été possible de comparer les mérites respectifs des carrosseries «longue queue» alignées par ces deux marques. Mais, cette fois-ci, il apparut qu'à ce jeu, c'est bien Ferrari qui avait le mieux travaillé. Le compromis appui/vitesse de la carrosserie allongée des Ferrari se révéla en effet excellent, au point que Ferrari allait monter cette carrosserie sur ses quatre voitures officielles et sur quatre des voitures de ses clients.

A l'opposé, Porsche n'alignait que deux 917L et l'équipe qui portait officiellement ses couleurs, celle de John Wyer, avait refusé de monter les carrosseries allongées, que ses pilotes jugeaient trop difficiles à maîtriser. Les quatre voitures officielles étaient confiées à Ickx/Schetty, Vaccarella/Giunti, Merzario/Regazzoni et Bell/Peterson. La Scuderia Filipinetti alignait pour sa part Perkes/Muller et Bonnier/Wissel (deux voitures «coda longa»). Moretti/Manfredini, en revanche conservaient la carrosserie habituelle. «Coda longa» également sur la 512S du N.A.R.T. (Posey/Bucknum). On trouvait enfin les coupés de Loos/Kelleners et Fierlandt/Walter, un spyder à queue courte pour la Scuderia Montjuich avec Juncadella/Fernandez. En tout, onze 512S contre sept 917 : la lutte allait être très équilibrée.

Porsche en pôle position

Vic Elford réalisait le meilleur temps avec la 917L de Salzburg, mais Vaccarella n'était qu'à deux dixièmes du Britannique. C'est Vic Elford qui menait à l'issue du premier tour où l'on pointait Merzario à la 4ème position, Vaccarella à la 5ème. Ralenti par une vibration à un pneu, Merzario stoppa à son stand au 5ème tour. Deux tours plus tard, c'était au tour de Vaccarella de s'immobiliser mais lui ne put reprendre la piste : il avait cassé une bielle. Des pilotes d'usine, seul Jacky Ickx était dans le groupe de tête, mais il avait pris son habituel départ prudent et il roulait en huitième position. Il était d'ailleurs précédé par une voiture «client» celle de Muller. Après un petite averse, ce sont des trombes d'eau qui tomberont à la troisième heure et une collision allait entraîner l'élimination de quatre 512S

Regazzoni était en bagarre avec Bell et, lorsqu'il vit celui-ci changer de trajectoire, il crut que c'était pour le laisser passer et s'engouffra dans le trou qu'il croyait voir s'ouvrir devant lui. En réalité, Bell manœuvrait pour doubler Wisell, qui rentrait lentement à son stand, son pare-brise couvert d'huile. Non seulement les trois protagonistes étaient hors course (Bell n'avait pas été impliqué dans cette collision, mais il avait dépassé son régime pour tenter de s'en sortir) mais de surcroît Parkes arrivant sur ces entrefaites ne pouvait éviter de percuter les voitures qui obstruaient la piste.

Ickx/Schetty roulaient alors en 5ème position. A la cinquième heure, Ickx/Schetty étaient quatrièmes, l'abandon de Van Lennep (sortie de route) leur faisait gagner une place. Elford connaissait des ennuis de pneus et Ickx se retrouvait en seconde position à la huitième heure. Malheureusement, à la dixième heure, Jacky Ickx était victime d'un blocage de frein arrière au freinage du Virage Ford; il percutait le mur de sable qui, gorgé d'eau, envoyait en l'air la 512S, qui devait malheureusement écraser mortellement un commissaire en retombant au sol.

En GT, deux voitures émergeaient du lot : la Porsche 914 S de Chasseuil/Ballot-Lena et la Corvette de Greder/Rouget, qui prenaient alternativement le commandement en fonction des averses. Celles-ci convenaient mal aux nombreux chevaux de la Chevrolet, mais les périodes sèches furent suffisantes pour qu'elle prenne un très léger avantage sur la Porsche. Cette dernière n'avait pas à forcer, la distance imposée à la Chevrolet étant infaisable, à cause des nombreuses et fortes averses, la Porsche avait la victoire effective en main.

Les rescapés du déluge

La fin de course fut animée par Gérard Larrousse, qui dut d'abord reprendre à la Porsche 908 une seconde place perdue sous la pluie (le moteur ne fonctionnait plus). Elford avait disparu à 8 heures du matin, à cause de ses ennuis de suspension, et la 908 défendit vaillamment la seconde place dont elle avait bénéficié alors. Mais Larrousse imposa sa loi, malgré une dernière averse sur le coup de midi, auquel l'allumage résista cette fois. Herrmann/Attwood constituent certainement un bel équipage, qui remporte une victoire méritée, à mi-course, ils étaient déjà en tête. Mais le public du Mans et le docteur Ferry Porsche surent apprécier les efforts prodigués par Larrousse/Kauhsen et Lins/Marko. Ces derniers remportent le classement à l'indice de performance de haute lutte.

24 heures du Mans 1970 - Porsche 917 #23 - Pilotes : Hans Herrmann / Richard Attwood- 1er

24 heures du Mans 1970 - Porsche 917 #23 - Pilotes : Hans Herrmann / Richard Attwood- 1er

En fin de course, ils ont été ralentis par un problème incroyable: les écrous auto-serreurs de fixation des roues s'avéraient impossibles à dévisser au moment des averses. Heureusement, ils avaient tant fait dans les trois premiers quarts de la course qu'à l'indice ils étaient imbattables. Porsche a donc triomphé sur tous les fronts. Deux 512S seulement étaient classées à l'arrivée: celle de Posey/Bucknum (4ème), qui avait connu des ennuis de tenue de route et celle de Fierlandt/Walker (5ème) aux prises avec des problèmes d'alimentation. Juncadella était sorti de la route et Kelleners était entré en collision.

Porsche... la victoire enfin

Cela faisait vingt ans que Porsche courait après cette victoire aux 24 Heures du Mans et Dieu seul sait combien de millions de Marks ont été dépensés pour y parvenir. Mais pourtant la malchance a voulu que Porsche soit un peu frustré du fruit de ce succès. Cette course fut en effet si peu intéressante que les 24 Heures en parurent durer 72 et que tous ceux qui y ont assisté n'auront qu'une hâte... l'oublier. Les pilotes, eux, la garderont longtemps en mémoire !

Les films de la course